Les éléments de terres rares – Qui sont-ils, à quoi servent-ils, comment sont-ils exploités
Par Lucie Coudert, Jean-Francois Boulanger, Marc Legault, Benoît Plante et Mehrez Hermassi . - Institut de recherche en Mines et en Environnement, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue
En raison de la transition énergétique de notre société, les éléments de terres rares (ETR) sont considérés comme stratégiques au Québec et critiques au Canada.
Que sont les ETR et à quoi servent-ils? – Au nombre de 17, les ETR sont composés des 15 éléments du tableau périodique appartenant à la famille des lanthanides (Ln) ainsi que du scandium (Sc) et de l’yttrium (Y)[1]. Leurs propriétés magnétiques, fluorescentes et catalytiques hors du commun font des ETR des éléments très prisés par les industriels et difficilement substituables. Ces propriétés exceptionnelles trouvent des applications dans des domaines très variés. À titre d’exemple, le terbium (Tb) est essentiel dans la fabrication des ampoules à faible consommation d’énergie alors que l’europium (Eu) est utilisé comme produits anti?contrefaçon dans les billets ou comme activateur de phosphore dans les écrans [2-3]. Les aimants permanents constitués de néodyme (Nd), de praséodyme (Pr) et de dysprosium (Dy) ou de samarium (Sm) sont retrouvés dans les moteurs de voitures électriques, les téléphones cellulaires, les appareils électroniques et électroménagers, les équipements médicaux, ainsi que les systèmes de guidage des missiles, des drones et de communications par satellite[4].
Où se trouvent-ils? Sont-ils si rares? – Plusieurs types de minéralisations d’ETR ont été identifiés à travers le monde. Avec une production annuelle mondiale de 299 150 tonnes d’ETR en 2022, les principaux pays producteurs sont la Chine (69%), les États-Unis (12%), la Birmanie (11%) et l’Australie (5%). Toutefois, les usines de transformation des ETR se situent principalement en Chine, avec une autre en Malaisie et une en Estonie. Les trois principaux minéraux porteurs d’ETR exploités à l’échelle mondiale sont la monazite [LnPO4], la bastnaésite [LnFCO3] et le xénotime [(Y,Ln)PO4]. Malgré leur nom, les ETR ne sont pas si rares; les ETR les plus abondants sont retrouvés dans la croûte terrestre à des concentrations similaires à celles du cuivre et du nickel, alors que les ETR les moins « rares », à savoir le thulium (Tm) et le lutécium (Lu) sont 200 fois plus abondants que l’or[1]. Les réserves en ETR du Canada sont estimées à 13 millions de tonnes, bien qu’il n’y ait aucun gisement d’ETR exploité à ce jour au Québec.
Comment sont-ils extraits et transformés? – Comme pour la majorité des métaux exploités, le minerai est soumis à des étapes de concassage et de broyage pour libérer les minéraux porteurs d’ETR des autres minéraux. Des méthodes de séparation sont ensuite utilisées pour séparer les minéraux porteurs d’ETR dans une fraction appelée « concentré » alors que les autres minéraux vont se retrouver dans la fraction appelée « rejets ». Par la suite, le concentré d’ETR est soumis à une étape de cuisson acide (en présence d’acide sulfurique concentré à 250-300°C) suivie d’une lixiviation à l’eau pour mettre en solution les ETR. Ce procédé d’extraction ressemble à la préparation du café le matin, où les graines de café sont torréfiées (cuisson) et broyées avant d’en extraire la caféine (lixiviation). Des étapes de purification complexes et dispendieuses sont ensuite nécessaires pour séparer les impuretés (e.g., fer, thorium, uranium) et séparer chacun des ETR en vue de leur utilisation. L’extraction des ETR entraîne la production de rejets solides et liquides qui peuvent contenir certains contaminants, dont certains éléments radioactifs à des concentrations qui varient selon la composition du minerai initial. Ces rejets doivent être gérés de manière adéquate afin de limiter les risques de contamination de l’environnement.
Références :
[1] USGS (2012) Rare Earth Elements – Critical resources for high technology: Supporting sound management of our mineral resources. USGS Fact Sheet 087-02, 4 p.
[2] Sinha MK et al. (2023) A review on recovery of terbium from primary and secondary resources: Current state and future perspective. Miner. Process. Extract. Metal. Rev., 1-24.
[3] Zhang J et al.(2024) Anti-counterfeiting application of persistent luminescence materials and its research progress. Laser Photonics Rev., 18, 2300751.
[4] Bailey Grasso V (2013) Rare earth elements in national defense: Background, oversight issues and options for congress. Congressional Research Service, R41744, 43 p.